Voici l’histoire des mammifères géants et de leurs interactions avec des fruits imposants, parvenus jusqu’à nous malgré l’extinction il y a 11000 ans de cette même mégafaune qui les disséminait.

Les premières Angiospermes (plantes à fleurs) ont co-évoluées avec une faune composée à l’origine de dinosaures et ptérosaures. Les reptiles géants cédèrent leur place à une succession de mégamammifères tout au long de l’ère Tertiaire avant que les dérèglements du dernier épisode glaciaire et l’arrivée de l’humain ne sonnent leur glas. Parmi ces mammifères de plus d’une tonne se trouvaient, par exemple, Megatherium, un paresseux géant dont l’apparence reconstituée ci-dessous montre qu’il était capable de brouter de très hauts feuillages. Natif du continent américain, Megatherium partageait l’espace avec d’autres titans comme les mastodontes, les mammouths, les castors et ours géants, des camélidés, des bisons…Et pour nourrir tous ces charmants, la nature qui pense toujours à tout, avait créé de gros fruits charnus, lourds, ne s’ouvrant pas à maturité (indéhiscence), afin de protéger les graines des petits prédateurs comme les rongeurs. Ses fruits mégafaunaux sont dits « anachroniques », car désormais, plus aucun animal en Amérique n’est capable d’avaler de tels fruits et leur dispersion est menacée. Ces plantes anachroniques, encore plus nombreuses sous les tropiques, ne comptent plus que sur une reproduction végétative et sur des moyens de dispersion secondaire pour survivre (transport des graines par les crues en milieu alluvial, transport par de petits animaux), mais en réalité leur taux de reproduction et leur propagation est faible et les semis échouent souvent au pied de l’arbre mère, accentuant encore le phénomène d’érosion génétique.

En Amérique du Nord, les genres Asimina (l’asiminier décrit dans un précédent article), Gleditsia (le févier d’Amérique), Maclura pomifera (l’oranger des Osages) ou encore le chicot du Canada (Gymnocladus dioicus) sont considérés comme des plantes anachroniques, reliques d’une époque perdue…Pour toutes ces espèces, il faut survivre sans les géants. Un espoir pour elles cependant: l’homme, animal frugivore, prenant le relais pour planter, semer, protéger.

Quoi qu’il en soit, derrière ces fruits anachroniques se cachent toujours les fantômes des géants qui foulaient le monde, lourdement…Et si l’on tend l’oreille, si l’on ferme les yeux, peut être sentira-t-on ces vibrations intenses, celles de la vie sous toutes ses formes…